Wake up call (RR - Jun Kasai)

Les marches de pierre de l’église étaient froides malgré la chaleur accablante de l’après-midi. Il n’y avait personne sauf Johnny Puke, qui était assis sur une des dernières marches. Il se leva et franchit la magnifique porte sculptée. La fraîcheur de l’église surprit Puke qui profitait de l’occasion pour se rafraîchir un peu.

Soeur Bérangère: Bonjour, vous venez pour vous recueillir?

Johnny Puke: Non, ce serait beaucoup trop long… Je viens pour ça.

Puke pointait devant lui un panneau sur lequel on pouvait retrouver une flèche.

Soeur Bérangère: Ah, bien sûr monsieur. Suivez les flèches et vous arriverez à la bonne salle. Je crois qu’ils ont déjà commencé.

Puke suivit les directions indiquées par les flèches et se retrouva enfin dans une grande salle communautaire. Des chaises métalliques étaient disposées de manière un peu aléatoire. Une vingtaine des chaises, environ la moitié, étaient occupées par des hommes et des femmes de tout acabit.

Les chaises faisaient face à un petit promontoir sur lequel se trouvait une femme qui parlait au micro.

Femme: C’est à ce moment que j’ai su que l’alcool avait prit le dessus sur ma vie. Ma soeur a tenté de m’aider, elle m’a dit d’aller chercher de l’aide mais je ne l’ai pas écouté au départ. Puis, elle m’a accompagné à ma première réunion… Je ne voyais pas en quoi ça pouvait m’aider mais… La Carole qui n’avait aucune confiance en elle n’existe plus! Ces réunions ont changé ma vie. Elles m’ont ouvert les yeux sur le fait que je suis capable de vivre ma vie sans alcool. Pour mon bien-être et pour celui de mes enfants et de mon entourage. Merci!

Les quelques personnes dans la salle se mirent à applaudir alors que Carole arborait fièrement son épinglette “6 mois de sobriété”. Elle retourna s’asseoir sur sa chaise avec les larmes aux yeux.

Un homme s’empara du micro.

Père Poitras: Merci Carole, j’ai été très touché par ton témoignage. Vraiment. Nous avons encore du temps pour un dernier témoignage.

Machinalement, Puke leva la main sans trop savoir pourquoi. L’homme lui fit signe de monter sur scène. Devant le micro, Puke se racla la gorge avant de parler.

Johnny Puke: Bonjour, je m’appelle Johnny.

Foule: Bonjour Johnny.

Johnny Puke: Il y a quelques années, j’ai eu plusieurs problèmes avec l’alcool. Elle m’a causé toutes sortes d’ennuis: problèmes avec la justice, perte d’emploi et j’en passe.

Puke prit une pause.

Johnny Puke: Non, en fait, c’est ma faute à moi. C’est moi qui a laissé l’alcool me pourrir la vie.

Foule: Oui!

Johnny Puke: Mais ces temps sombres sont loin derrière moi. Je me suis repris en main et aujourd’hui je suis un homme nouveau, comme Carole. Vous devez l’entendre souvent celle-là mais… Si je suis ici cet après-midi parmi vous ce n’est pas pour moi mais plutôt pour un collègue de travail. Ce collègue est en train de s’enfoncer dans un vide sidéral et j’avoue que je ne sais pas quoi faire pour l’aider. Alors si vous le voulez bien, j’aimerais lui livrer un message ici.

Homme en coat de cuir: Vas-y mon frère.

Femme en triporteur: On t’écoute Johnny!

Johnny Puke: L’alcool et la drogue sont des scélérats qui te plonge dans une grande noirceur, Jun. Des chimères qui te font vivre dans l’illusion que tu es bien alors qu’en réalité elles te pourrissent la vie. Il faut mettre un fin à cette spirale destructrice avant que l’alcool et l’excès ne te gangrènent jusqu’au noyau. Jun, si je suis ici aujourd’hui, c’est pour t’aider à t’en sortir et le meilleur moyen d’y parvenir c’est de te dire des vérités et et des faits. On dit souvent que la vérité blesse, mais je crois qu’elle est essentielle car elle a le pouvoir de faire ouvrir les yeux à quelqu’un. Crois-moi, il vaut mieux avoir mal maintenant et s’ouvrir les yeux avant que ta grave dépendance ne te force à les fermer à jamais… Tu comprends? Quand nous nous sommes affrontés il y a quelques semaines, j’ai tout de suite senti que quelque chose n’allait pas chez toi. Tu ne maîtrisais pas tes prises, tu prenais des décisions impulsives sur le ring et tu n’avais aucune motivation. J’ai remporté ce combat assez facilement parce que tu étais complètement absent. En fait, je vais te le dire bien franchement: tu n’es plus le même lutteur depuis que tu es avec No Future. Havoc et Sabu sont des champions dans l’art de foutre leur vie en l’air mais toi, Kasai, tu mérites mieux que ça, tu ne penses pas?

Johnny Puke: Depuis ton affiliation avec ces deux pourritures, tu es sur la pente descendante. Putain, Jun, tu as perdu tes huit derniers combats à Road Rage. C’est pas assez pour t’ouvrir les yeux? Je l’ai déjà dit par le passé, je trouve votre mission louable mais vos moyens n’ont jamais été les bons. No Future a eu toutes les occasions du monde de renverser l’ordre établi et continue constamment de donner des coups d’épée dans l’eau… Maintenant c’est au tour de Syndicate de prendre la relève.

Johnny Puke: Quand je vous ai vu arriver à Hardcore Paradise dimanche dernier… En fait, quand je vous ai senti avant de vous voir tellement vous empestiez, je n’ai pas pu m’empêcher d’éprouver de la pitié, Jun. Je sais que l’alcool t’aide à remplir le vide qui t’habite. Shit, moi aussi je recommencerais à boire si je me tenais avec No Future! Mais il est temps que ça cesse, la partie de plaisir a assez durée. Ton emploi est en jeu! Chaque fois que tu montes sur le ring, crois-moi que Vince et sa petite bande prennent des notes sur tes performances. Et je m’excuse mais j’ai beau être membre de Syndicate et vouloir me porter à la défense des lutteurs, je ne pourrai probablement rien pour te défendre et te garder dans la fédération. Vince aura raison de te mettre à la porte. Je n’irai pas perdre la face et me battre devant Vince Mac pour défendre un saoûlon qui n’a pas la volonté de s’aider lui-même. J’espère sincèrement que le son de la cloche après ta défaite contre moi à Road Rage sera ton wake up call. Sinon, je m’excuse… mais il n’y a pas d’espoir pour toi.

Johnny Puke: Merci de votre écoute.

Un peu sous le choc et ne comprenant pas trop la scène à laquelle ils venaient d’assister, seulement une poignée de personne dans la salle offrirent quelques applaudissements timides. Puke se dirigea aussitôt vers une longue table où se trouvaient des viennoiseries et des bouchées. Il engloutit un muffin et s’en mit trois autres dans les poches avant de quitter la salle par la sortie de secours.