La fièvre du dimanche soir (KOTR - Disco Inferno)

Puke est dans sa maison mobile, en périphérie du gargantuesque manoir de son manager, Chong Lee. Il est allongé dans son lit, fiévreux. Soudainement, de puissants spasmes vinrent accompagner les frissons qui martelaient déjà son corps.

Johnny Puke: Oh putain, qu’est-ce qui m’arrive?

Après quelques grandes respirations, Puke commence à mieux se sentir. Il se redresse et s'assoit sur le côté gauche du lit. Au moment où il dépose les pieds au sol, Puke sentit quelque chose monter en lui. Enfin, se dit-il, il sentait quelque chose, une lueur d’espoir qui lui rappelait qu’il était encore vivant.

Sauf que, cette sensation qu’il prenait pour un signe encourageant se transforma en un jet féroce de vomi qui finit sa course à plus d’un mètre devant lui.

Les minutes qui suivirent lui ont paru être les plus longues minutes de sa vie. Enfin, avec le peu de force qui lui restait, Puke se rendit à la salle de bain. Quelques gorgées d’eau froide et des regards vides dans le miroir plus tard, Puke se ressaisit un tant soit peu.

Johnny Puke: De l’alcool, j’ai besoin d’alcool.

Il avait déjà terminé la petite bouteille que Lee lui avait donné en guise de récompense pour son dernier combat, qu’il avait ouverte quelques heures auparavant. Il ne lui restait plus rien, sauf quelques bière au frigo. Il parvint à s’y rendre sans trop de mal et ouvrit la pénultième bière qui se trouvait dans le tiroir de droite.

Le contenu de la canette disparut d’un trait dans la gorge de Puke.

Johnny Puke: Aaaah! Clairement pas recommandé par les médecins, mais ça fait du bien. Je dois me reposer, Road Rage approche. Dans cet état, même Disco Inferno pourrait me battre. Je dois être rétabli à cent pour cent si je veux rester dans ce tournoi. Mon premier combat a été si facile, trop facile pour que la suite ne se complique pas.

Inconsciemment, Puke venait de tenir un discours différent de celui qu’il tenait d’habitude. Comme si l’état dans lequel il était en ce moment lui avait ouvert les yeux sur le fait qu’il n’était pas l’être invincible qu’il croyait être.

Johnny Puke: Tu vieillis, Johnny… Il y a dix ans, tu n’aurais jamais pu tomber malade. Tu étais indestructible, mais regarde-toi maintenant… Tu dégueules tes entrailles sans raison. Tu n’es plus invincible.

Il avait prononcé ces paroles devant le miroir, en fixant le reflet d’un homme qu’il ne reconnaissait plus. Son coeur se serra.

Johnny Puke: C’est un fait, je dois l’accepter et me rendre à l’évidence: je ne suis plus l’homme que j’étais lors de mon premier passage à la WWWF. D’ailleurs, certains lutteurs comme le nobody Sabu me reprochent d’être prisonnier de ma propre nostalgie. Celle d’un temps où je régnais en champion sur la WWWF. C’est correct, ça fait partie du jeu. Par contre, il y a une différence entre se remémorer des grandes performances comme je le fais et ce que d’autres lutteurs s’acharnent à faire. Disco Inferno par exemple. Le petit numéro qu’il fait depuis son arrivée dans la fédération, c’est pathétique. Être nostalgique de son passé glorieux, c’est une chose, mais être nostalgique des années soixante-dix, ça frôle la maladie mentale. Disco, à force de regarder en arrière, tu vas te faire mal au cou.

Johnny Puke: Le passé, c’est notre bagage. Il nous est indispensable, on doit le traîner dans ce grand voyage qu’est le moment présent. Moi, ma valise, elle est bien pleine. Et, chaque fois que j’en ressens le besoin, je l’ouvre et j’y pige un souvenir. Pas parce que mon passé est la seule chose de glorieuse dans ma vie mais plutôt parce que cela me rappelle quels sont mes objectifs véritables. Mes souvenirs me motivent à atteindre de nouveaux sommets. Pas pour recréer ce que j’ai déjà vécu, ni pour revivre des émotions du passé. Non. Plutôt pour me motiver à me dépasser, pour accomplir ce que je n’ai pas encore accompli. Sur ce point, soyons franc, je suis déjà bien parti. Je n’ai jamais remporté le tournoi King of the Ring, voilà une belle motivation pour moi. Une des nombreuses raisons pour moi de ne faire qu’une bouchée du maître de la piste de danse.

Johnny Puke: Avoir une fixation sur le paraître, comme notre ami Disco Inferno s’évertue à avoir, ça me donne une raison de plus de vouloir gerber. Les gars comme lui focalisent sur leur façon de s’habiller, de parler et de paraître, qui portent une plus grande attention à ce que les autres pensent d’eux que ce qu’ils pensent d’eux-mêmes. Les gars comme Disco Inferno, qui n’ont aucune capacité d’introspection, ils sont démunis. Sans regard sur soi, il est impossible d’avancer.  J’en sais quelque chose, je suis plein de vomi, je suis faible, mais je ne cesse jamais de réfléchir et d’analyser. Je prends conscience que je ne suis pas infaillible et cela me rendra encore plus fort.

Johnny Puke: Disco Inferno, ce mercredi, nous allons danser. Ce sera la danse la plus importante de ta courte carrière à la WWWF. Mais ne t’inquiète pas, je serai qui dictera la cadence. J’imposerai le rythme, les pas et les mouvements. Je t’enverrai valser dans les quatre coins du ring et tes membres danseront le twist. Puis, à la fin du spectacle, tu termineras la chorégraphie les deux épaules allongés sur le tapis.

À mi-chemin entre l’impuissance et l’angoisse, les pensées de Puke faisaient écho en lui.

Johnny Puke: Je n’ai pas besoin du Johnny Puke du passé pour motiver le Johnny Puke du présent. Je peux accomplir ce que je veux sans lui. Il y aura des embûches. Il y aura certainement des défaites. Mais pas à King of the Ring. Encore moins contre Disco Inferno.

Puke prit la bouteille d’alcool que Lee lui avait donné plus tôt. Ne voyant pas très clair, il ne remarqua pas la petite anomalie au niveau du bouchon. Un tout petit trou. Comme si un seringue y avait été plantée.

À quelques centaines de mètres de là, par la fenêtre de sa demeure luxueuse, Lee avait les yeux rivés sur la roulotte de son lutteur. Puis, il se rendit dans la pièce voisine où l’attendait l’un de ses hommes de main.

Chong Lee: Et puis, comment ça se passe?

Garde du corps: Comme prévu, boss. Il est malade comme un chien. Et les caméras sont en ordre aussi.

Devant l’homme se trouve un écran sur lequel se trouve une image de l’intérieur de la maison de Puke.

Chong Lee: Génial. Au prix ou ces caméras m’ont coûté, elles sont mieux de fonctionner.

Garde du corps: Il sera pleinement rétabli, à temps pour son prochain combat. Mais, si je peux me permettre boss,  pourquoi l’avoir empoisonné?

Chong Lee: Disons que, c’est juste un petit message. Pour lui rappeler qu’il est humain et que je suis toujours au-dessus de lui et de son petit copain Kennedy. D’ailleurs, lui aussi aura bientôt un petit cadeau de ma part. À force de faire des niaiseries, Puke s’éloigne de l’objectif premier: me rapporter de l’argent. Disons que… J’ai trouvé un moyen pour resserrer la laisse de mon poulain afin de garder le contrôle sur lui.

Garde du corps: Bien joué, patron. Je ne pense pas qu’il soit en mesure de faire d’autres folies d’ici quelques jours.

Lee s’approcha de la fenêtre de nouveau et, après avoir jeté un dernier coup d’oeil au loin, il tira sur le rideau opaque qui couvrit la totalité de la fenêtre.