"Des coquilles vides" (RR : Juventud - 1/1)

On reconnaît John Pollock du célèbre site POSTWrestling, qui erre dans les rues de Saskatoon pendant soirée fraiche du mois de juin. Il regarde à plusieurs reprises son cellulaire ainsi qu’autour de lui, visiblement à la recherche d’un endroit. Il s’arrête finalement devant un magasin : Glitch Gifts and Novelties. Il regarde attentivement par une fenêtre afin de voir s’il y a quelqu’un à l’intérieur et revérifie l’adresse pour être certain.

John Pollock : Ouep : c’est bien ici. Merde, semble que je sois le premier arri…

Jun Kasai surgit devant Pollock qui sursaute. Il le regarde de la tête au pied pendant que celui-ci reprend ses esprits.

Jun Kasai : Viens. Ça va commencer…

Pollock suit Kasai à l’intérieur de ce petit magasin. Un employé à l’air enjoué hoche amicalement de la tête en direction de Pollock. Jun Kasai pousse grossièrement un rideau qui les conduits vers une attraction locale, le musée Glitchy's Believe It Or Don't Oddity. Entourée d’objets aussi étranges et grotesques tel qu’une poupée « hantée » ou encore, le cadavre momifié d’une sirène. Derrière une minuscule table ronde, on peut ce qui semble être un drapeau conçu avec un amalgame de morceau de tissus. On peut lire « No Future. No Hope. Everybody Dies » sur celui-ci. Pollock regarde autour de lui, toujours aussi confus.

John Pollock : Je suis le premier arrivé ?

Jun Kasai : Non : je suis là, comme tu peux l’voir.

Jimmy Havoc surgit de derrière le drapeau, bouteille de Jack Daniel’s en main et avec une cravate noué autour de son cou.

Jimmy Havoc : Et moi aussi. On est complet. Allons-y.

John Pollock : Euh ? Hein… pardon c’est qu’on m’a dit que c’était une conférence de presse, là. Je suis le seul journaliste.

Jimmy Havoc : Bien sûr que non, John. Moi aussi, je suis « journaliste ». Tu as vu, j’ai même ma cravate de « journaliste »…

Sabu surgit de derrière le drapeau à son tour, sourire en coin. Il est vêtu veston usé, d’un vieux T-shirt de Mark Spider et lui aussi à une cravate nouée a son cou. Il s’assoit et se racle la gorge. Il invite, d’un signe de la main, les autres à s’asseoir malgré l’absence apparente de chaise, sauf celle de Sabu. Havoc s’appuie contre le mur, Kasai s’assoit parterre et Pollock reste debout.

Sabu : Jun, Jimmy, John. Merci d’être là aujourd’hui pour mon importante conférence de presse.

Jimmy court derrière le rideau et sort rapidement les titres par équipes qu’il place maladroitement sur la minuscule table et reprend sa position.

Sabu : Je pensais que c’était un moyen efficace et différent de livré mes états d’âme. Surtout en cette tournée canadienne. Surtout quelques jours avant Hardcore Paradise. Surtout quelques heures avant Road Rage. J’espère que ceci permettra à tous et à toutes de maintenant clarifier certains points auprès de mes collègues.

Sabu soupire et garde la tête baissée quelques secondes avant de se lever. Il marche lentement autour des objets exposés par le musée.

Sabu : C’est un exercice futile, je le sais John. Et je sens que tu te poses une question : pourquoi tu e là ? Simplement parce que cela nous apparaissait drôle d’inviter un journaliste de renom à une conférence de presse bidon dans un lieu comme ici. Pas d’autres raisons. Pas besoin. Mais, au final, ce n’est pas si drôle, John. Loin de là. Je suis même déçu. Parce qu’entre le moment où nous avons cette idée stupide et maintenant, beaucoup de choses ont décidé d’envahir mon esprit. Comme le fait que ton gagne-pain est fondamentalement inutile, au final, non ? Comme le fait que tout ce que je peux dire, toutes ses phrases vides que je peux prononcer n’ont pas l’effet escompté, au final. Je me bute à des… à des…

Jun Kasai : Têtes de cochons !

Sabu : Exact Jun ! Mais en même temps : à quoi aurions dû nous attendre, hein ?  La soif de pouvoir des mes collègues, leurs désirs, leurs ambitions, les contrôles, les mènent par le bout du nez ! Prends Juventud, par exemple. Qui s’appuie sur son passé de gloire éphémère afin de justifier sa vision ridicule de l’avenir. Tiens : je vais m’adresser à lui directement si tu me permets, John.

Sabu s’approche de John Pollock et le pousse un peu, fixant la lentille de la caméra située derrière lui.

Sabu : Tu vois, Juvi, ce que la vie m’a appris c’est que rien n’a de valeurs outre le moment présent. Mon passé ne sera jamais garant de mon avenir. Le là, le maintenant est important. Je ne vois pas plus loin que le bout de mon nez puisque je n’ai aucun intérêt et, collectivement, nous ne devrions avoir aucun intérêt à le regarder, ce fameux bout d’nez ! Pourquoi ? L’avenir est le même pour tous, Juventud et tu le sais depuis le début de ton existence. J’aimerais te dire que ton héritage sera reconnu, mais n’oublie pas pourquoi tu es revenue, Juvi : parce que tu le sentais s’effacer, lentement mais sûrement. Et toute cette situation m’amuse : Vince McMahon qui use de ses privilèges afin de nous mettre des bâtons dans les roues et de te donner un avantage. C’est mignon, en fin de compte. Te dire que je ne suis pas inquiet serait te mentir puisque, comme je t’ai dit plus tôt, là et maintenant, je suis inquiet. Je sais pourquoi tout s’est aligné ainsi et je ne peux que te regarder avec dédain dans tout ça, Juventud, puisqu’une fois de plus, tu profites du malheur des autres. C’est un peu ta marque de commerce. C’est un peu notre marque de commerce collective dans le monde, en général. Votre refus de viser plus haut, votre servitude fait en sorte que le monde est ce qu’il est aujourd’hui. Ton ridicule « cartel » n’êtes qu’une autre preuve tangible de ton refus d’évoluer. Et ton ridicule « cartel » est la raison majeure de l’existence de No Future puisque, en effet, tant et aussi longtemps qu’il y aura des Juventud, il n’y aura pas de future. Tout ça est un manège qui peut avoir une fin seulement si tu acceptes finalement ton sort, NOTRE sort. Et d’accepter que tu est un des acteurs principaux de toute cette pagaille.  La semaine dernière, cette semaine et ce dimanche, on va encore et encore perdre notre temps à se lancer des flèches, en vain. Tout ça ne sert absolument à rien. Toutes ses minutes gaspillées à tenter de résonner des coquilles vides…

Sabu prend la bouteille de Jack Daniel’s des mains de Jimmy Havoc et en prend une bonne gorgée. Il la tend à John Pollock qui refuse la gorgée.

Sabu : Mais bon, Juventud, je ne t’abandonnerai pas. Non, je vais te prendre la main mercredi et te plonger dans le vide abyssal de ta propre existence. Je serai ton guide. Pas Rush. Pas Bandido. Pas Matanza. Pas Dario. Non. Moi. Je te guiderai dans les abîmes, Juventud. Il n’y a pas de lumière au bout de ce tunnel, Juventud. Il n’y a rien. Pas de ceinture. Pas de victoire. Pas de temple. Juste toi, nue et vide. No Future. No Hope. Everybody Dies.

Sabu prend amicalement Pollock par l’épaule et le guide vers la sortie du petit musée pendant que Kasai les regarde quitter, en silence et que Jimmy Havoc reprend les titres par équipes et pousse la table avec son pied, la faisant tomber. Fade out.